CRUSTACES 

Au premier coup d'œil, on les confond avec des grains de sable. D'un peu plus près, ils ressemblent davantage â de minuscules pistaches. Longs d’un millimètre environ, les ostracodes sont en fait des crustacés, blottis dans une coquille composée de deux valves calcifiées protectrices. Pouf discrets qu'ils soient, ces animaux sont omniprésents sur la planète. Des lacs de haute altitude aux. lacs hypersalés» des estuaires aux abysses ils occupent tous les milieux aquatiques. Cette capacité d'adaptation, ne date pas d'hier, comme en témoignent les plus anciens fossiles d'ostracodes, ou de leurs cousins, découverts par l'équipe britannique de David Siveter en 2001. Agés de plus de 500 millions d'années, ils indiquent que ces animaux sont apparus à l'époque de la formidable augmentation du taux, d'oxygène atmosphérique qui a révolutionné la vie sur Terre - la pression partielle est passée de 1 à 3 kilopascals à 21 kilopascals en seulement quelques millions d'armées.


 Comment les ostracodes se sont-ils accommodés de ce changement ? 

L'étude de leurs descendants actuels apporte plusieurs éléments de réponse : ils ressemblent tellement à leurs lointains ancêtres qu'ils constituent en effet une formidable porte d'entrée sur lès origines de notre vie dans un milieu très oxygéné. Cette similitude entre ostracodes actuels et ostracodes ancestraux a été mise en lumière de façon particulièrement frappante en 2003, avec la découverte de Colymbosathon ecplecticos littéralement, un « surprenant nageur avec un grand pénis ». 

Vieux de 425 millions d'années, l'animal a été décrit par l'équipe de D, Siveter avec une précision inégalée. En effet, sa coquille n'était pas seula â avoir fossilise. Ses tissus mous, eux aussi, étalent parfaitement conservés, Un phénomène très rare ! Nos confrères anglais ont alors rais en œuvre une méthode qu'ils avaient déjà expérimentée en 2001, pour accéder à l.'anatûmtc de l'animal : le fossile est abrasé par couches successives de 20 micromètres d'épaisseur, et photographié, â chaque stade. Les images numérisées sont ensuite utilisées pour reconstruire le fossile en trois dimensions. Appliquée à Colymhosathon, cette, approche a révélé que Fauatomie interne de cet ostracode archaïque est la copie quasi conforme de celle des ostracodes actuels du groupe des royodoeopes, Et cela vaut en particulier pour les appendices ventilatoirés, les scaphognathites, sortes de minuscules godilles qui pompent l'eau sous l'animal et la font circuler sur les branchies. Pour comprendre le fonctionnement de ce système ventilatoire, il était impératif de pouvoir observer la façon dont respirent les ostracodes actuels. Comme on l'imagine, ce n'est pas facile. En effet, outre qu'ils sont minuscules, ces animaux vivent pour- la plupart enfouis dans les sédiments, à l'obscurité. 

Aussi avons-nous dû créer des dispositifs expérimentaux à leur échelle : des micro-aquariums de 1 à 3 millimètres d'épaisseur fabriqués avec des lamelles de microscope, remplis de sédiments et contenant l'équivalent de quelques gouttes d'eau de mer dont nous pouvions faire varier la teneur en oxygène et en dioxyde de carbone. L'ensemble était suffisamment fin pour observer les ostracodes par transparence afin d'étudier leur activité ventilatoire et cardiaque par vidéo. Le tout dans un laboratoire sans lumière, avec des caméras infrarouges et des tables antivibratoires, pour ne les perturber en aucune manière. Premier constat : les ostracodes respirent différemment des autres crustacés apparus plus tardivement - crabes, écrevisses et crevettes. Certes, leurs appendices ventilatoirés suivent la même séquence de mouvements que chez, les crabes, ce qui témoigne de l'existence de centres nerveux moteurs similaires. Toutefois, cette 2 séquence est inversée ! Au lieu de battre dentelle sorte que Feau entre dans la cavité branchiale par le ventre, et ressorte à l'avant, sous les antennes, les scaphognathites des ostracodes font rentrer Feau par Lavant ; sous les antennes - et elle ressort par l'arrière. Ce mode de ventilation a persisté chez le crabe, mais celui-ci n'y fait appel que de façon occasionnelle, lorsqu'il essaie de se débarrasser de corps étrangers irritant ses branchies : l'occasion de constater qu'il est peu efficace, car il ne permet d'oxygéner qu'une partie des branchies. Deuxième constat : l'activité respiratoire des ostracodes est d'une grande irrégularité.

 Contrairement aux autres crustacés, chez lesquels la fréquence ventilatoire est bien rythmée, et les-apnées rares, les ostracodes s'arrêtent spontanément de ventiler pendant quelques minutes à une heure - puis ventilent à nouveau. Troisième constat : là encore, â la différence des autres crustacés, la fréquence ventilatoire des ostracodes demeure constante quel que soit le taux d'oxygène de l'eau. Chez un crabe, cette fréquence augmente lorsque le taux d'oxygène dans Feau diminue. Rien de tel chez les ostracodes, et ce quelle que soit la durée d'exposition à un taux d'oxygène donné. Autrement dit ils ne disposent d'aucun système physiologique leur permettant de réguler de façon autonome l'oxygénation de leur milieu intérieur. 

Les multiples imperfections de leur système d'oxygénation semblent peu favorables à la survie des ostracodes. Et pourtant traverser des millions d'années avec autant de succès nécessite obligatoirement une capacité d'adaptation particulière face aux variations d'oxygène de l'eau afin d'ajuster le.flux d'oxygène aux besoins des cellules. En effet, l'excès d'oxygène (à l'origine de radicaux libres toxiques) est fatal, comme une privation. Il existe donc obligatoirement une autre voie que l'absence d'adaptations physiologiques. Mais laquelle ? Nous avons supposé que les ostracodes disposent de modalités d'adaptation comportementales, probablement invisibles dans des « aquariums » aussi petite que ceux que nous avions conçus. Aussi sommes-nous retournés à-l'observation des animaux dans l'un de leurs milieux naturels - en roceurrence le bassin d'Àrcachon, qui fait face à notre laboratoire. Nous avons choisi pour objets d'étude deux groupes d'ostracodes présentant des caractéristiques physiologiques et des modes de vîe distincts » Les uns, des ostracodes                        dits « podocopes », ne possèdent ni branchies, ni cœur, ni système circulatoire sanguin : leurs scaphognathites envoient l'eau dans toute la cavité ventrale, d'où l'oxygène diffuse directement dans leur corps minuscule. Ils vivent dans les premiers millimètres de sédiment. Autrement dit, dans un milieu « frontière s ; le taux d'oxygène est, en surface, proche de celui de Peau (soit 21 kiîopascals), alors qu'il est presque nul quelques millimètres plus bas. Les autres ostracodes, dits « myodoeopes », possèdent des branchies, un cœur et un appareil circulatoire, en plus de leurs appendices vemilatoires. L'oxygène diffuse dans leur « sang » (appelé lymphe) au niveau des branchies, puis passe dans les cellules. Leur mode de vie est très original ; ils construisent des nids collectifs à la surface des sédiments, faits de sable et de débris d'algues agglomérés par du mucus. Ils s'y cachent pendant la journée, quand ils sont inactifs, et les quittent à la nuit tombée pour se déplacer rapidement dans la colonne d'eau. On le voit, ces deux groupes sont très différents. Pourtant ils ont bien un point commun : ils recherchent les milieux faiblement oxygénés, de telle sorte que la pression partielle en oxygène dans leurs tissus soit comprise entre 1 et 3 kiîopascals. Si, par exemple» on prélève des carottes de sédiments, et que l'on fait varier l'oxygénation de f eau de façon à faire varier la profondeur à laquelle l'oxygène 3 pénètre, on remarque que les ostracodes podocopes sont toujours positionnés là où leur oxygénation interne est de 1 à 3 kilopascals. Quant aux ostracodes myodoeopes, les nids qu'ils construisent sont autant d'abris où le taux d'oxygène leur permet de retrouver ces valeurs cellulaires. Et s'ils supportent sans problème les taux d'oxygène plus élevés auxquels ils sont confrontés lorsqu'ils nagent, c'est parce que le surplus est alors consommé pour la mise en action de leurs cellules musculaires. Un point a particulièrement attiré notre attention. Nous 3 'avons dit, les ostracodes vivent dans des lieux où le taux d'oxygène dans l'eau est tel, que leurs cellules sont maintenues à une pression partielle en oxygène de 1 à 3 kiîopascals. Or, cette valeur est également celle qui prévaut non seulement chez d'autres crustacés, mais aussi… dans nos propres cellules d'animal à sang chaud.

 Voilà qui ne manque pas d'intérêt d'un point de vue évolutif. En effet, doublions pas qu'à l'origine la vie s'est développée dans un milieu, faiblement oxygéné. Il y a quelques années, nous avions proposé que les animaux, aquatiques, puis aériens, à sang froid, puis à sang chaud, s'étaient adaptés à l'augmentation du taux d'oxygène atmosphérique de diverses façons, mais toujours de telle sorte que l'état d'oxygénation de leurs cellules demeure à un niveau faible et constant Le même niveau que celui où se trouvaient les premiers euearyotes unicellulaires, des millions d'années avant que le taux d'oxygène atmosphérique n'augmente. Nos observations concernant les ostracodes actuels, et, partant, leurs cousins du Paléozoïque, viennent soutenir cette hypothèse ; à cette époque déjà, la constance du milieu intérieur en termes d'oxygénation des cellules était une priorité, A cette époque déjà, certains animaux possédaient les outils nécessaires pour détecter les variations d'oxygène dans l'eau, et répondaient à ces variations. Certes, les mécanismes de régulation de l'époque étaient pour le moins incomplète. Mais il est fascinant de voir comment F adoption de comportements particuliers a permis à ces animaux, a priori pas très bien armés pour le faire, de traverser près de 500 millions d'années.


Pour chaque question, cochez la ou les réponses attendue(s). Seules les réponses complètes sont considérées comme bonnes. 

1. À propos des ostraeodes actuels, quelles affirmations sont fausses ?                            a) Sont minuscules.                                                                                                              b) Sont diffrents de leurs ancêtres.                                                                                      c) Sont enfouis dans les couches inférieures du sédiment marin.                                       d) Sont pourvus de modalités ; d'adaptation comportementales aux variations d'oxygène.                                                                                                                          e) Possèdent tons des branchies.

2. À propos des ostracodes, quelles sont les propositions vraies ?
a) Ils sont de la famille des mollusques.
b) Leurs fossiles sont difficilement analysables.
c) Ils préfèrent nager la nuit.
d) Ils vivent au milieu des déchets d'algues.

e) Leur espèce est en voie d'extinction.

3. Quelles affirmations sont fausses concernant les ostracodes :
a) Leur système physiologique régule l'oxygène des cellules en fonction du milieu
extérieur.
b) Ils préfèrent les atmosphères hypoxiques,
c) Ils vivent uniquement dans les eaux salées.
d) Ils préfèrent vivre dans l'obscurité.

e) Ils respirent en faisant entrer l'eau par l'arrière.

4. Le système ventilatoire des ostracodes : 
a) est similaire aux autres crustacés. 
b) est dépendant de centres nerveux moteurs. 
c) permet leur survie dans des eaux peu oxygénées. 
d) est identique entre les différentes espèces. 

e) est toujours relié au système circulatoire.

5. L'activité respiratoire des ostracodes est : 
a) Régulière 
b) Interrompue par des apnées fréquentes 
c) Varie en fonction-du taux d'oxygène dans l'eau 
d) Constante 

e) Sous contrôle neurologique

6. À propos de l'oxygène, quelles affirmations sont vraies ?
a) L'excès d'oxygène entraîne la production de radicaux libres indispensables à la survie des ostracodes.
 b) L'air atmosphérique est compose de 21% d'oxygène depuis plus de 500 millions d'années,
 c) La quantité d'oxygène est à la surface de Peau plus faible que celle de l'air.
 d) L'oxygène diffuse dans la lymphe des ostracodes. 

e) Les ostracodes ont besoin d'oxygène pour leurs besoins cellulaires.

7. Les ostracodes myodoeopes possèdent : 
a) Une carapace. 
b) Des branchies. 
c) Un appareil circulatoire. 
d) Des muscles. 

e) Des cellules nerveuses. 

8. À propos des ostracodes podocopes, quelles propositions sont vraies ? 
a) Nécessitent un milieu appauvri en oxygène. 
b) Recherchent des milieux où la pression en oxygène est de 21 kilopascals. 
c) Se déplacent au lever du jour. 
d) Vivent souvent cachés dans des niches. 
e) Ils sont semblables aux ostracodes myodocopes. 

9. Le système ventilatoire des ostracodes myodocopes comprend : 
a) Les scaphognathites. 
b) Les branchies. 
c) Les poumons. 
d) Le cœur. 

e) La lymphe. 

10. L'adaptation comportementale des ostraeodes est en rapport avec : 
a) Le-refuge dans des zones très profondes des sédiments marins. 
b) La création de niches collectives. 
c) Un système physiologique qui régule la ventilation en fonction de l'oxygénation du milieu extérieur, 
d) L'évolution de leur morphologie au cours des millions d'années. 

e) Le développement d'un système respiratoire identique à ceux des autres crustacés. 

11. À propos du développement de la vie et du taux d'oxygène aimosphériques quelles affirmations sont vraies. 
a) Elle s'est développée lorsque la pression partielle en oxygène a atteint 21 kilopascals. 
b) Elle s'est développée dans un milieu faiblement oxygéné. 
c) Elle s'est développée avec comme priorité le maintien constant de l'oxygénation des cellules. 
d) Elle a été facilitée chez les animaux possédant les outils nécessaires pour détecter les variations du taux d'oxygène dans l'eau.

e) Elle ne concernait que les Eucaryotes. 

12. À propos de Colymbosathon ecplecticos, quelle (s) affirmations est/sont vraies. 
a) C'est un ostracode ancestral. 
b) Est dépourvu de coquille. 
c) A été décrit il y a 425 millions d'années. 
d) A été découvert fossilisé dans chacune de ses composantes. 

e) Mesurait 20 micromètres d'épaisseur.